Comme tous les contes, et encore plus les contes initiatiques, l’auteur nous propose des aventures bien davantage intérieures et universelles que de simples histoires stimulant notre imaginaire.
Il me semble que J.R.R. Tolkien n’échappe pas à cette hypothèse. Etudions un peu le Seigneur des Anneaux sous cet angle…
Dans cette épopée, il est question de détruire l’anneau de pouvoir en le ramenant de là où il vient, c’est-à-dire du néant. La destruction de cet anneau permettra la destruction de Sauron, seigneur des ténèbres. Je ne peux, ici, m’empêcher de faire le parallèle entre cet anneau de pouvoir et notre toute-puissance qui peut facilement devenir tyrannique. Certains parleraient ici de notre égo. Pour faire le parallèle avec les théories de C.G. Jung, je préfèrerais parler ici du pouvoir de nos zones d’ombre sur nos pensées, comportements, attitudes, … Notre façade sociale, notre persona, nous les masque et les masque aux autres, mais ce sont bien les zones d’ombre qui tirent les ficelles en coulisse.
Qui envoie-t-on pour détruire l’anneau ? Un semi-homme, un hobbit, Frodon, qui a l’apparence d’un enfant, et son intelligence aussi. D’ailleurs, il n’est pas le seul hobbit dans la communauté chargée d’accompagner Frodon. Tous les hobbits nous montrent des visages différents de l’enfance : douceur, intelligence vive, bêtises sans penser au lendemain, créativité, gourmandise, peur, joie, rébellion, soumission, … les hobbits aiment la nature, ce qui y pousse et vit, et sont gourmands de ses fruits.
Tolkien a fait en sorte que ce soit un enfant qui soit chargé de détruire l’anneau de pouvoir, afin de mettre sur le trône le vrai roi, Aragorn, et lui permettre de finir son errance pour endosser enfin son rôle de responsabilité. Il est alors dit que le temps de la domination des hommes est arrivé. Les elfes et leur univers magique, immortels, peuvent quitter le monde.
La transition entre l’enfance et l’âge adulte intervient alors.
Mais elle ne se fait pas uniquement grâce à ce semi-homme qui détruit l’anneau. Il est aidé par toutes sortes d’êtres, aussi multiples et variés que les étoiles dans le ciel. L’univers de Tolkien est très riche, mais on peut noter quelques personnages qui se détachent.
En premier lieu, Gandalf le magicien. Il est l’envoyé de dieux lointains et puissants, mais il est surtout gris, puis blanc. Lui-même subit une transformation suite à un passage initiatique dans lequel il meurt et est rappelé à la vie pour terminer sa tâche. De gris, encore effacé (notamment face au supérieur de son ordre), à blanc, lumineux et visible de tous, il agit finalement assez peu par magie. Il stimule et fédère en réalité.
Il représente l’agent intérieur qui fédère toutes nos parties lumineuses vers un objectif : contrecarrer notre toute-puissance, notre égo, notre côté tyrannique.
Un deuxième personnage joue un rôle important dans la quête de Frodon. Il s’agit de Gollum, la bête immonde esclave de l’anneau, plein de duplicité, de haine envers ses ennemis et envers lui-même, schizophrène, tourné vers lui et vers l’anneau, fusionnel avec lui.
Au départ dégouté, Frodon se prend de pitié pour lui, puis de haine, avant de l’expédier, avec l’anneau, dans la lave de la montagne du destin, afin d’y être dissout.
Gollum est la partie la plus primitive, archaïque, dangereuse, tyrannique ou violente (il a tué pour avoir l’anneau) de nous-même. Elle doit être redonnée à la source de tout être pour être recyclée. Il est à noter que, l’anneau étant versé dans la lave, le volcan explose dans une éruption d’une rare puissance. Le recyclage d’un côté sombre amène de la puissance, nous aurait dit Jung.
Et à la fin, que se passe-t-il ? La paix s’installe, oui, le roi est couronné, les elfes quittent ces terres laissant le pouvoir aux hommes. Mais surtout deux mariages ont lieu : celui du roi Aragorn avec l’elfe Arwen, et celui de Sam, le hobbit, avec Rose. A tous les niveaux le masculin et le féminin s’épousent. Jung nous aurait dit que Tolkien nous présente le mariage de l’anima et de l’animus, les principes féminins et masculins qui nous gouvernent. Ce sont les gardiens de notre Soi véritable, celui qui nous rend rayonnant. La preuve de ce que j’avance ? Le message final que Frodon laisse à Sam : « Tu ne pourras vivre coupé en deux toute ta vie ».
Et vous, qu’en pensez-vous de tout ça ?